«Désolé. J'ai oublié la question.» «Nous vous demandions quel âge vous aviez la première fois que vous avez vu un film porno ?» Le roman commence par un curieux interrogatoire, sous forme de séquences numérotées. Michael Turner, né en 1962 à Vancouver, aime jouer sur les codes de l'écriture scénarique, «la forme contemporaine par excellence». Et déjouer la convention, qu'elle soit littéraire ou sociétale. Le héros, 16 ans, a tout pour plaire: pas con, belle gueule, bon en sport. Et pourtant quelque chose coince dans cette vie de banlieue résidentielle : «J'éprouvais un étrange ressentiment envers mes amis. Pas tellement à cause de ce qu'ils étaient, mais à cause de ce qu'ils représentaient. D'où ils venaient. D'où nous venions tous. L'extrémité la plus aisée de Vancouver.» La gentillesse des voisins, les valeurs familiales. Cela ne peut plus durer, d'ailleurs ça ne dure pas, l'image de la famille bourgeoise a volé en éclats depuis que maman a viré papa. Pour le rebelle, la vraie révolution va être la pornographie. Un jour, il surprend le couple d'à côté dans leurs ébats, les filme et intitule cette première oeuvre le Chien de famille (le grand danois des hardeurs malgré eux était impliqué). Le début d'une carrière de pornographe qui le conduira à réfléchir non seulement sur la sexualité, mais sur le peu de fiabilité de l'objectif, la multiplication des angles de vue : la vérité comme construction. Turner, également scénariste du réalisateur queer Bruce LaBruce, reste fidèl
Critique
Le rebelle pornographe
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par Sean James ROSE
publié le 11 mars 2005 à 0h55
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