Rappelez-vous, nous sommes en mai 1995. Chirac s’installe à l’Elysée en jurant de réduire «la fracture sociale», et les cités font craquer le Festival de Cannes : la Haine, deuxième long métrage de Mathieu Kassovitz, âgé de 27 ans, repart de la Croisette avec le prix de la mise en scène, avant de cartonner en salles. Dix ans plus tard, la fracture sociale s’est aggravée et la Haine revient clamer sa rage en DVD dans une édition à la hauteur de son statut culte. L’occasion de vérifier que le film de Mathieu Kassovitz a mieux supporté le poids des ans que les promesses chiraquiennes.
En dépit de quelques préciosités stylistiques aux allures de pub Nike, la Haine reste un vrai choc non seulement esthétique (efficace transposition d'une mise en scène à l'américaine dans un contexte français) mais aussi verbal : en matière d'invention lexicale, seule l'Esquive (chaleureusement saluée par Kassovitz sur le DVD) a fait mieux depuis... Mathieu Kassovitz, lui, a mis un peu d'eau dans son vin, du moins si l'on compare les deux commentaires audios (malheureusement souvent redondants) enregistrés l'un, pour la première édition DVD en 1999, et l'autre, cette année. On leur préférera le long documentaire rétrospectif qui compense, par sa masse d'informations, la frustration du court making-of d'époque. Kassovitz, son équipe technique, ses acteurs (Hubert Koundé le Black, Vincent Cassel le Blanc, manque à l'appel Saïd Taghmaoui le Beur) reviennent avec précision sur l'aventure du film : la v