Paris est pris par ses premières chaleurs. Comme un effet de thermodynamique urbaine, les terrasses de ses cafés se dilatent, les vêtements raccourcissent. Légère torpeur. Que faire ? Rejoindre une toute fraîche librairie, ouverte il y a six mois par Nathalie Lacroix et Renny Aupetit, à Gambetta, près du Théâtre de la Colline, dans le XXe arrondissement. C'est cela, aussi, une librairie par temps lourds : l'ombre d'un platane sur une place de village.
Une fontaine d'eau à l'entrée. Un frigo vert qui présente la littérature érotique «Les fantasmes, ça se garde au frais !». Le mobilier restant de la défunte papeterie. Des fauteuils et tables disparates et accueillants. La lumière de cette librairie de 140 m2 aux larges vitrines. Nous sommes au Comptoir des mots, 20 000 titres disponibles, librairie de quartier.
Un habitué, déjà. Un voisin. «C'est fini l'Europe ? Je trouve plus la table.» Laurence Noret, l'une des libraires, derrière le vieux comptoir de bar qui sert d'accueil: «Non, non, elle a reculé là-bas, c'est tout.» «Pour sûr, elle a reculé, l'Europe, là», dit l'habitué, digressant sur la «reprise politique individuelle» qu'occasionna le référendum.
De petits mots manuscrits attachés aux livres par des pinces signalent Courir avec des ciseaux d'Augusten Burroughs (Passage du Marais), Non-assistance à poètes en danger de René Depestre (Seghers), Palace de Simon Hureau (Ego comme X) pour la BD.
Une corde, d'autres pinces à linge, d'autres mots, forment une étrange suspension