Strasbourg envoyée spéciale
Enfiler une bague ? Cathy Abrial nous fait traverser du doigt ses anneaux poilus en maillechort (alliage de cuivre, de zinc et de nickel) et laine. Douceur et dérangement. Elle insiste sur les gestes «que l'on fait sans y penser». En extrayant ce qu'il y a de si privé dans le bijou, les liens qu'il induit avec l'inconscient et la sexualité. Elle est une des artistes de l'association Corpus qui défrichent leur attache au bijou contemporain. Dans une exposition à Strasbourg, ils posent la question : «Y a-t-il de l'innommable dans le bijou ?» On se doute bien qu'avec une telle formulation, il ne sera pas question ici de joaillerie de luxe, de colifichets déco, de signes de marque, ni de la dernière tendance. Ce n'est pas non plus une recherche formelle sur les petites architectures que sont les joyaux des designers.
Langage. Le bijou, cet accessoire à la fois sans fonctionnalité vitale mais si indispensable, est traité bien au-dessus de la parure, ancestrale et sociale, qu'il représente. Dans le catalogue qui étaye l'exposition, la philosophe Elisabeth G.-Sledziewski ne cache pas sa jubilation quand elle évoque l'origine du mot. «Un bonheur philologique ! Bijou vient du substantif breton "biz", parfois "bez", au pluriel "bizied" qui signifie doigt.» Le bijou serait-il «l'index du sujet sexué» ?
C'est «une pensée qui ne prend pas corps avec le métal ou la pierre mais avec la chair», explique l'artiste Olivier Daunay, président de Corpus. Comme l'expressi