La Charité-sur-Loire envoyé spécial
Il y a plus de librairies que de boucheries-charcuteries dans cette vieille cité de La Charité-sur-Loire (Nièvre). On s'y nourrit de mots et d'un vin pas vain (les coteaux charitois). Rien d'étonnant à ce qu'on ait eu l'idée d'y créer un Festival du mot, tenu du 15 au 19 juin. A l'heure du petit déjeuner, dans un frais et ancestral cellier où des moines devaient naguère passer du bon temps, les comédiens du JTN (Jeune Théâtre national) mettaient les mots à la bouche dans des effluves de café, en picorant des textes ayant trait au culinaire : l'évocation du mille-feuille par Pascal Quignard, la recette d'un bonbon charitois, le Renard et le Raisin, selon La Fontaine, l'invention de «la sauce aux câpres sans câpres» chère à Pierre Dac.
On sortait de là en appétit. Ça tombait bien, samedi, c'était jour de marché. Tandis que l'on achetait des tranches en forme de feuille de l'indépassable jambon de Jacky Dausimont, un homme en noir armé d'une longue sarbacane dirigea l'extrémité de cette dernière contre l'oreille du client et y projeta une giclée de René Char. C'était un des «souffleurs de mots». Une femme en noir, à l'abri d'un éventail, confia des vers à une cliente devant les chèvres de la ferme des Pellet. Cabas au bout des bras, la dame resta stoïque devant l'aubade.
Sauvetage. Toute la ville s'était donné les mots. Une boutique avait collé sur sa vitrine des Post-It à propos du temps ; une phrase interminable serpentait sur le sol, jusqu'au