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Enquête

La foire aux avatars

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700 euros pour une épée, quelques dizaines de dollars pour un héros ou 20000 pour une île, le commerce des biens virtuels obtenus dans des jeux en ligne explose. Jusqu'à générer un véritable marché avec ses cotations, ses trafics et même sa main-d'oeuvre à bas coût.
publié le 24 juin 2005 à 2h44

Qiu Chengwei, 41 ans, est un adepte acharné de Legend of Mir 3, un des 1 600 jeux en ligne massivement multijoueurs (MMOG) actuellement en activité. Début juin, il a été condamné à mort (1) par un tribunal de Shanghai pour avoir poignardé, en mars, un autre joueur qui avait revendu sans son autorisation une arme virtuelle lui appartenant. Un «sabre pourfendeur de dragons» durement acquis après avoir terrassé un monstre.

Dans ces jeux en ligne, les pratiquants ont des missions à remplir, des méchants à tuer et des butins à amasser. Ici, à la différence des consoles, chaque personnage de MMOG est incarné par un joueur connecté, et, surtout, le jeu ne s'arrête jamais. Souvent, pour mener à bien leur quête, les joueurs doivent mettre leur force en commun. C'est pour cela que Qiu Chengwei avait prêté cette épée rare à Zhu Caoyuan, 26 ans, qui, au lieu d'en faire bon usage dans le jeu, l'a mise en vente sur un site d'enchères en ligne pour 7 200 yuans sonnants et trébuchants (environ 700 euros). Le joueur lésé s'était plaint du vol à la police. En vain. Le sabre n'est pas un bien réel protégé par la loi. Qiu Chengwei décide alors de se faire justice lui-même, tuant pour un objet qui n'existe pas.

Ce cas, tragique et unique, a brutalement focalisé l'attention sur un marché sous-terrain en plein boom : le commerce de biens virtuels. La vente et l'achat d'armes magiques, de monnaie fictive et de châteaux imaginaires ont longtemps été considérés comme une bizarrerie du système. Pratique