«Celle que tout le peuple de Paris appelle "la Samar" veille à la porte de la Cité puissante et gaie, grenier de marchandises et citadelle de désirs satisfaits, au bout du pont...» Ainsi débute une ode la Samaritaine, publiée en 1933 par André Suarès. On la lira avec ce léger suint de nostalgie que tout Parisien éprouve lorsqu'il observe au crépuscule, depuis le Pont-Neuf, la face sud du grand magasin aux vitres cuivrées par le soleil. Le texte est tiré d'un petit livre intitulé Cité, nef de Paris (1). L'écrivain y évoque les fleurons de l'insulaire vaisseau majeur : Notre-Dame, Conciergerie, Marché aux fleurs, Pont-Neuf, rue Chanoinesse... Il ne le fait pas en touriste : animé par sa grande culture, son orgueil lyrique et une emphase froncée de moraliste, Suarès mélange ses expériences de promeneur, la mémoire de la ville, l'histoire de France, et la manière dont le peuple de la capitale fait vivre ses pierres encore vivantes. «La Samar» est, pour l'auteur, le théâtre marchand où s'exprime la vie du «peuple sublime de Paris», «où pas un citoyen ne consent à être un automate, où tous prétendent à être des hommes». Cet enthousiasme n'est pas neutre : le patron de la Samaritaine, Gabriel Cognacq (2), est le mécène de l'écrivain, depuis que celui-ci a été chassé de son logis quatre ans plus tôt. Lui et sa femme ont ici un compte gratuit permanent et y font leurs achats : à l'époque déjà, «on trouve tout» à la Samaritaine. Et l'on y trouve tout le monde : toutes les classes soci
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