En Espagne, cette année, il est difficile d'ouvrir un journal sans tomber sur une célébration de Don Quichotte ou de Pedro Almodovar. Le premier a eu 400 ans ; le second en a 55. Vu depuis la fin du soleil, ce n'est pas une si grande différence. L'un et l'autre sont nés dans La Manche (où le second va tourner cet été son nouveau film). L'un et l'autre sont les nombrils de la péninsule. Don Quichotte, alias Alonso Quijano, est grand, mal armé, efflanqué comme son pauvre cheval. Il est possible qu'il ait des visions et se raconte des histoires parce qu'il mange peu : sa dépression active ressemble à celle d'Edmond Dantés, qui se nourrit d'opium. Tous deux sont des chevaliers errants. L'un veut sauver le monde ; l'autre, se venger de lui. Pedro Almodovar, lui, ressemble plutôt à Sancho Pança. Il n'en a pas seulement la corpulence et, imagine-t-on, la faim. Il a transposé sa verve. En 2005, Sancho n'est pas un paysan de plus en plus fin qui parle à tort et à travers par proverbes et restitue les saveurs du peuple espagnol. C'est un cinéaste homosexuel dont la figure incarne la sortie mordante du franquisme et une certaine autosatisfaction, celle des «trente glorieuses» hispaniques (qui débutèrent quand les nôtres finissaient). Sa verve est celle d'un grand artiste des villes. Comme Sancho dans la seconde partie du roman de Cervantès, il fait rire mais il est de plus en plus émouvant. Il retourne en vieillissant vers son enfance, sa jeunesse. Son langage artistique assimile l'his
Don Quichotte et Pedro Pança
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par Philippe Lançon
publié le 1er juillet 2005 à 2h49
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