Ce livre n'est pas la énième histoire du cinéma français, écrite à partir des «oeuvres» ou des «auteurs» consacrés. Fabrice Montebello, dans cet ouvrage remarquable par sa liberté de ton, ses références et ses analyses, s'est intéressé a contrario à tout le «reste» : l'exploitation en salles, la distribution, l'éducation du public par la critique, les ciné-clubs, l'université, les polémiques politiques, esthétiques, et les transformations qui ont marqué la consommation des films nationaux ou étrangers, surtout américains, sortis en France depuis trois quarts de siècle. Le livre réunit donc «des objets que la tradition académique a séparés : les professionnels, les films, les consommateurs... le cinéma à partir de l'expérience que tout un chacun en fait...» Autant dire qu'il bouscule pas mal d'idées reçues.
Appétit. Ainsi pour Montebello, depuis 1930, le public de cinéma a gagné en appétit comme en expertise. Loin de subir un quelconque déclin, l'art des frères Lumière et de Méliès a pris une place toujours plus grande dans la vie. Le développement du parlant, avec la rationalisation de la distribution et la prédominance du cinéma national qu'il a entraîné, avec aussi son système de vedettes et la naissance des magazines, avait déjà permis une meilleure maîtrise de cet ancien art forain par les spectateurs. Après la Deuxième Guerre mondiale, les ciné-clubs et les mouvements d'éducation populaire ratent certes leur coeur de cible, la classe ouvrière, mais permettent à de larges