A mi-parcours de la visite, une surprise de taille attend le public. L'une des salles du musée est en effet occupée par d'étranges oeuvres qui tranchent sur ce qui précède et n'annoncent guère ce qui va suivre. Un Démon volant, un Séraphin, un somptueux costume d'actrice et autres spécimens descendus de lointains imaginaires témoignent d'une inspiration originale, de prime abord difficile à concilier avec le reste des oeuvres sélectionnées.
Terroirs. L'auteur de ces images et volumes bizarres s'appelle Mikhaïl Alexandrovitch Vroubel. Né en 1856 et mort en 1910, il représente parfaitement l'artiste russe dans la seconde moitié du XIXe siècle, thème de l'exposition qu'Orsay organise à la faveur de prêts exceptionnels consentis par les collections russes. Ce que fait cet artiste est pourtant en rupture avec la majeure partie des pièces présentées (peintures, certes, mais aussi beaucoup de sculptures, céramiques, photos, dessins, illustrations, tissus, costumes, bijoux, meubles, plans d'architecture, etc.). Celles-ci exemplifient le chromo d'une époque préoccupée par ses racines, avide d'un retour aux sources, farouchement slavophile et, accessoirement, hostile au cosmopolitisme. Rien à voir avec la période qui surgira ensuite, tout entière bouleversée par des avant-gardes peu soucieuses de terroirs et de traditions glaiseuses. Ici, on est chez Tolstoï, pas encore chez Maïakovski.
Vroubel occupe donc une position à la fois marginale et centrale sur un territoire labouré par la Pro