Une heure à peine vient de s'écouler quand, annoncée par deux chansons enfantines où les mots s'évanouissent dans la mélodie, la musique prend le pas sur les mots, accordant les êtres à leurs instruments, piano pour lui, violon pour elle, Chanson d'amour de Gabriel Fauré pour tous les deux. Après quoi l'homme regagne sa chambre, à la gauche de la scène, là où il était allongé quand la lumière s'était faite au tout début. L'éternelle jeune fille, appelons-la conteuse aux pieds nus, se tient debout, seule sur le plateau, nu lui aussi.
Elle dit qu'elle ferme la fenêtre, elle dit qu'on lui souhaite une bonne nuit, «puisse ma vie être toujours ceci», poursuit-elle. Derniers mots : «Et puis, la fenêtre fermée, la lampe allumée/Sans rien dire, sans penser à rien, sans dormir,/Sentir la vie couler en moi comme un fleuve dans son lit,/Et là dehors un grand silence comme un dieu qui sommeille.» Noir.
Seuls les deux acteurs, Clotilde Mollet et Gilles Privat, viennent saluer. Hervé Pierre (mise en scène), Daniel Jeanneteau (scénographie), Cécile Bon (chorégraphie) et Marie-Christine Soma (lumière) ont, avec eux, collectivement signé ce «projet théâtral» fondé sur la poésie d'un certain Caeiro. Ce n'est pas une coquetterie, encore moins un avatar de «création collective».
Cri de joie. Il y a dans le point d'exclamation qui suit le nom du poète portugais et donne son titre au spectacle Caeiro ! comme un cri de joie qui rappelle celui de l'Eurêka ! (j'ai trouvé !) d'Archimède saisissant,