La dédicace allait à un homme. «Pour Ariel, qui chavire mon coeur et met mon vagin dans tous ses états.» Elle demeure, phrase presque étrange, sur un livre devenu plus qu'un texte de théâtre, le label d'une internationale féminine et féministe qui regarde s'enlaidir le monde né entre ses jambes : les Monologues du vagin. L'auteur est une accoucheuse, pas femme sage, mais activiste, qui sort les souvenirs en douceur ou au forceps, cherche dans la chair les traces des différents passages et puis délivre une statistique qui vaut ce qu'elle vaut : sur 200 femmes rencontrées, cinq ont parlé d'expérience fantastique avec un homme. Allez, six, avec la dédicace. Mais Ariel est sorti de sa vie.
Eve Ensler a une coupe brune à la Louise Brooks. Un rire jamais loin qui dit que la concurrence a tenté plusieurs Monologues du pénis mais que c'est très «redondant». Naguère, elle était une New-Yorkaise de gauche qui écrivait des pièces confidentielles ; sa spéléologie vaginale, parue voilà bientôt dix ans, l'a propulsée reine d'un féminisme sans proue. Vagin, vagina, flida dit la Suède, poschwa la Pologne, continuent, tels des tags, à faire l'annonce de leurs monologues aux murs des villes. Eve Ensler l'a jouée trois ans dans des lieux minuscules. Puis elle l'a laissée à d'autres. Elle la donne avec un cahier des charges : suivre scrupuleusement le texte, être une femme, jouer bénévolement et verser les recettes à une association qui lutte contre les violences faites aux femmes. Une fondation