(envoyé spécial à Dunkerque)
Quand Gilbert Delaine s'assoit ce jour-là on est au début des années 70 dans la salle d'attente de son dentiste à Dunkerque, c'est un gars du Nord comme les autres. Le teint piqué d'embruns, la fierté d'être dunkerquois. Né dans le Pas-de-Calais, il vit dans cette ville portuaire depuis l'adolescence. Sa mère élevait au foyer les douze enfants ; son père, simple ouvrier, avait la passion des roses il voulait en inventer une noire, il avait atteint le brun foncé quand il est mort.
Gilbert Delaine poursuit une carrière tranquille d'ingénieur à l'équipement : les voies navigables, le service des routes, il finira dans la construction publique. Il ne connaît alors rien du magazine qu'il feuillette en attendant l'épreuve de la roulette : la Galerie des arts d'André Parinaud. Il tombe sur la reproduction de tableaux contemporains, dont des Kijno. «Un flash, un éclair, se souvient-il. D'un seul coup, j'ai eu la révélation de l'art. J'ai pas piqué la revue, mais je me suis abonné tout de suite.»
Premier don de Vasarely.
Cette révélation, il ne voudra pas la garder pour lui seul. Partager fait partie de sa vie. Il s'était déjà occupé avec succès d'une opération débarras pour l'abbé Pierre. Gilbert Delaine investit les bénéfices dans la création d'un centre pour handicapés profonds. Et crée donc une association, l'Art contemporain, réunissant «des amis, un ou deux passionnés et d'autres qui étaient déjà à Emmaüs». But : réunir une collection d'oeuvres co