Il y a quelque chose d'étrange et d'attendrissant à voir de jeunes acteurs dire leur amour pour Jean-Luc Lagarce sur la petite scène du théâtre des Déchargeurs fondé par Vicky Messica. Ce dernier était la vedette de l'émission de Jean-Pierre Rosnay, le Club des poètes (et de son rituel nul et entêtant : «Bonsoir, amis de la poésie, bonsoir.») Avec son écharpe blanche enserrant sa glotte torturée, il se lançait dans du Cendrars, accompagné par un type qui lutinait des ondes Martenot. Jean-Luc Lagarce a sans doute vu un soir ou l'autre cette émission qui condensait tout ce qu'en art il détestait : l'emphase, le trémolo, le tripal. Vicky Messica est mort, drapé dans son linceul immaculé d'acteur maudit, Jean-Luc Lagarce a disparu sans avoir vu sa pièce Juste la fin du monde, montée sur une scène ou même éditée : elle faisait peur. Aujourd'hui, dans la salle Vicky-Messica, l'Equipe de nuit (c'est le nom de la jeune compagnie) la propose et elle fait rire. Ironies conjuguées de la postérité.
Le canevas est simple : Louis (Hugo Dillon), 34 ans, revient en province dans sa famille pour dire qu'il va mourir. Il y a là sa soeur Suzanne, son frère Antoine, Catherine l'épouse d'Antoine, et la mère. Il y a longtemps qu'il n'est pas venu (il n'était pas là au mariage de son frère, n'a pas vu pousser ses neveux), il est attendu. Tous parlent, tous vident leur sac de paroles longtemps retenues : la parole est le nid de leur malaise, de leur difficulté à dire, de leur gêne face au silence de