Les formes mélancoliques sont géométriques. «Mélancolie, génie et folie en Occident», l'exposition de Jean Clair, n'est pas seulement une affaire d'affects ou de sentiments. La Melancolia I de Dürer (1514), encombrée d'instruments de mesure (balance, sablier, compas, calendrier, échelle), propose un dialogue entre deux volumes particulièrement soignés par la gravure : une sphère aveugle et un polyèdre énigmatique.
Cette sphère ressurgit dans une autre Mélancolie, celle peinte par Lucas Cranach l'Ancien (1532), puis avec le Boulet (1878) d'Odilon Redon, tandis que le polyèdre est réemployé par Alberto Giacometti pour construire son Cube (1933). Un livre Renaissance sous vitrine présente un frontispice associant Geometria et Perspectiva. L'architecture de la mélancolie trouve logiquement son pendant dans la scénographie de l'exposition. Il ne s'agit pas d'illustrer un thème mais de le placer en orbite, donc en espace.
Bébés et chauves-souris. Au Grand Palais, cet espace étale ses richesses. Moquette épaisse gris perle, décors fastueux. Peintures, gravures, dessins et sculptures sont ponctués de chauves-souris naturalisées, momies et squelettes de foetus, cires de bébés et crânes humains, comme chez tout bon antiquaire. Mais les oeuvres sélectionnées sont des chefs-d'oeuvre. C'est à cette condition, explique le commissaire, que l'exposition tient debout. Normal. Chef-d'oeuvre = oeuvre capitale = oeuvre de tête.
Or le mélancolique a la tête lourde. Il la soutient de la paume ou du