Il n'est que 21 heures, mais la ville est déserte : l'équipe de base-ball joue sa qualification pour la finale des World Series. Le Blanco's Bar, haut lieu de la danse country à Houston, n'avait pas prévu ça en programmant sa soirée rock Nouvelle-Orléans. Dans la baraque en bois décorée rural profond, plusieurs mondes s'imbriquent : cow-boys à Stetson, jeunes Noirs en T-shirts rap, chevelus Blancs coiffés de bandanas. Tout ce monde boit la bière au goulot, même les deux vieilles dames aux cheveux d'argent à un coin de table.
«Prodige». Sur le dancefloor, le groupe Westbank Mike and the Fisher Project attaque en rugissant ; sa chanteuse, Ellen Rogers, a la voix de Janis Joplin. Mais le batteur avise un copain au comptoir, il lance ses baguettes à l'un des jeunes. Le public applaudit le gamin qui offre un festival de son talent. «C'est Ronald Dorsey Jr., un prodige de la Nouvelle-Orléans qui gagne tous les prix depuis qu'il est môme», hurle la pulpeuse Tianna Hall, elle-même chanteuse, l'un des manitous de l'organisation Noah (1), grâce à laquelle Houston est devenu l'annexe musicale de la cité noyée. «Sans Noah, jamais nous n'aurions recommencé à travailler si vite», assure Ellen Roggers, approuvée par Ronald, qui s'est découvert une passion pour Houston : «Il y a des centaines de batteurs ici, de tous les styles, avec des endroits pour jouer, et tous ces Blancs qui s'occupent de nous...» Ronald, parce qu'il vient d'une ville très noire, n'a pas l'habitude du