Envoyé spécial à Saint-Etienne
Tandis que le nombre de poubelles, voitures et écoles maternelles incendiées diminue dans les quartiers de Saint-Etienne, ça continue de flamber à la Comédie. Fort heureusement, des pompiers éteignent chaque soir l'incendie qui menace de réduire en cendres ce théâtre mythique fondé par Jean Dasté. Cette figure tutélaire de la décentralisation théâtrale, qui fit connaître les grands auteurs aux banlieues stéphanoises et aux villages de la région, se réjouirait de voir François Rancillac mettre en scène Biedermann et les incendiaires de Max Frisch, «pièce didactique sans leçon», comme le souligne l'auteur suisse allemand (mort en 1991) traduit par Michaël Glück.
Brevet juteux. Dans la ville de la pièce, on ne compte plus les théâtres, les hôtels, les maisons bourgeoises, qui brûlent. Cela n'arrive qu'aux autres, songe l'industriel Biedermann (François Font, pilier de la Comédie) à l'heure du petit-déjeuner. La veille, il a licencié «parce qu'[il n'a] plus besoin de lui», un vieux collaborateur, inventeur d'un juteux brevet dont Biedermann a tiré bénéfice. L'industriel reprend un peu de café quand un SDF rebelle (inspiré à l'auteur par Boudu sauvé des eaux, le film de Jean Renoir, pense Rancillac) force sa porte et s'invite à sa table. «Ainsi vont les choses, monsieur, au jour d'aujourd'hui. On ne peut plus ouvrir un journal : et voilà, encore un incendie», devise Biedermann tandis que le dénommé Schmitz (Jean-Pierre Laurent, autre pilier) s'empiffr