Il y a exactement cent sept ans, à l'automne 1898, Anton Pavlovitch Tchekhov s'apprête à assister à une répétition de sa pièce la Mouette, au Théâtre d'art de Moscou. Un des acteurs lui raconte que, derrière la scène, des grenouilles vont coasser, des libellules striduler et que des chiens aboieront. Tchekhov se rembrunit et demande d'un ton mécontent : «Pourquoi tout cela ?» Le comédien répond : «Parce que cela fait réel.» Le dramaturge avec un sourire railleur, répète les mots : «Cela fait réel...», laisse planer un petit silence d'écho, puis dit abruptement : «La scène, c'est de l'art.»
Victime du stalinisme. Il continue en demandant au comédien de s'imaginer ce qu'il adviendrait d'un visage vu par un peintre si l'on découpait le nez peint pour le remplacer par un vrai : «Le nez serait réel, mais le tableau serait gâché.»
Repensant à l'auteur qui, à 18 ans, avait déjà écrit Platonov (pièce contenant en germe toutes les suivantes, puzzle assez vertigineux montré ces temps-ci par Alain Françon au Théâtre de la Colline), voilà que nous replongeons dans l'univers d'un certain Vsevolod Meyerhold car c'est lui, ce metteur en scène-chercheur disparu en 1940 victime du stalinisme, qui raconte la quinte de Tchekhov. Il avait assisté à la scène, il avait alors 24 ans, il était encore acteur au Théâtre d'Art, chez ce Stanislavski qu'il quitterait en 1902 pour fonder sa propre troupe et prendre à tout jamais position contre le naturalisme et le psychologisme, «ce naturalisme des état