La bibliothèque littéraire Jacques-Doucet a réclamé en vain une série de manuscrits d'Emil Cioran, dont la vente aux enchères a été annoncée demain à Drouot. Hier, elle a demandé en référé le retrait de neuf lots dans une vente Wapler recensant également des textes de Céline en prison au Danemark. Dont la réplique au Portrait d'un antisémite signé Sartre dans les Temps modernes (proposé aux Cahiers de la pléiade, ce flot d'injures intitulé A l'agité du bocal par Céline fut refusé par Jean Paulhan).
Mais ce qui intéressait le juge ce sont 37 cahiers formant le journal de Cioran de 1973 à 1980, où il couchait ses aphorismes mais aussi des textes majeurs comme De l'inconvénient d'être né. «Ahurissement perpétuel. Je n'ai jamais été à l'aise dans l'être. Ne me séduit que ce qui me précède, les instants sans nombre où je ne fus pas. Le non-né est mon refuge» : passage biffé par l'auteur. Il chroniquait aussi sa vie dans sa «cage aux lapins», où il voisinait avec «une nonagénaire nymphomane». Problème, s'insurge Me Kana pour la bibliothèque Doucet : «L'ensemble des manuscrits et carnets de Cioran a été légué à la bibliothèque au décès de l'écrivain, en 1995», par sa compagne Simone Boué, qu'il avait désignée comme légatrice universelle.
Le frère de Simone, disparue en 1997, confirme. Tout le monde convient que cette donation s'est faite dans un certain «flou», sans acte authentique ni procès-verbal d'inventaire. Seulement, il se trouve que cet ensemble de cahiers y a échappé. Il est