Tout d'un coup Hamlet glissant aux lisières entame, guitare en main, sa fameuse tirade «Etre ou ne pas être», et la question devient burlesque, de savoir s'il vaut mieux souffrir ou mourir, ou bien encore dormir. Ophélie aura beau jeu d'interrompre le rêveur. Et reprendra, aussi insolite, la course folle jusqu'à ce moment où le fossoyeur produit une noix de coco en guise de crâne.
Palabre comique. De l'humour de Shakespeare, le metteur en scène congolais Hugues Serge Limbvani a extrait tout le suc. De la tragédie du prince d'Elseneur, il fait une palabre comique, et pourtant grave, où soudain le fameux poème Souffle, de l'écrivain sénégalais Birago Diop, donne son épaisseur à l'apparition du Spectre : «Ecoute plus souvent les choses que les êtres, la voix du feu s'entend, les morts ne sont pas morts.» Et le mariage forcé de Gertrude avec le père du héros devient «la» question. C'est au nom de la coutume, selon laquelle «le petit frère peut hériter de la femme de son frère à la mort de celui-ci», que la reine n'éprouve guère de scrupule à voir son légitime trucidé.
Nous ne savons si le traducteur Jean-Michel Desprats est allé au théâtre de la Tempête voir le peu de soirs où elle s'y est donnée l'adaptation de son texte en français, mais il est probable qu'il en aimerait l'extrapolation jubilante présentée par la troupe d'acteurs venus du Congo-Brazzaville, du Togo, du Sénégal, de la Côte-d'Ivoire et du Mali. Parmi ces acteurs, un seul comédien blanc, dans le rôle du courtis