Los Angeles correspondance
Dans un article du Daily Variety d'octobre 1949, Marc Lawrence se prétendait déjà l'acteur le plus pourfendu de la planète, avec 39 lames : «Fleuret, couteau à pain, couperet de boucher, pic à glace, épée, cimeterre Ñ je laisse délibérément de côté les armes à feu, pendaisons et autres formes de strangulation.» Exercice apparemment bon pour la santé, puisque l'acteur est mort mardi dans son lit, de causes naturelles. A 95 ans, après 175 films, il était à peine retiré des voitures en 1996, il se faisait encore dessouder dans Gotti, sous les traits cadavériques du mafioso Carlo Gambino.
Visage vérolé, cicatrice sous l'oeil gauche, regard fuyant, Lawrence avait une gueule suffisamment sinistre pour pouvoir se permettre de porter un noeud papillon et rester menaçant. Huston l'avait à la bonne, lui faisant jouer Ziggy, l'âme damnée d'Edward G. Robinson dans Key Largo, puis Cobby le bookmaker dans Quand la ville dort, et le faisant retravailler même après son comportement durant le McCarthysme, dans la Lettre du Kremlin, en 1970. Doté d'une personnalité qu'on pourrait qualifier de gluante, il lui suffisait d'entrer dans une pièce pour qu'on ait envie de prendre une douche.
Mais cette menace humaine toujours bien sapée était pourtant un acteur de race. Né Max Goldsmith dans le Bronx à New York, il est à Hollywood dès 1932, mis sous contrat à la Columbia, un studio où les durs sont en demande, qu'ils soient à la manque comme chez Capra, ou des vrais comme c