Parfois, en montant dans l'avion, vous commencez par mourir légèrement, par les extrémités puis par le coeur, comme un acteur éteint par un rôle trop lourd avant d'entrer en scène. C'est peut-être l'un des rares moments où vous vous sentez vivre dans toute la menace d'une scène qui vous dépasse et qui, aussi bien que vous puissiez la jouer pour un public itinérant, laissera votre corps flotter dans une nudité honteuse et exténuée. Le renforcement des consignes de sécurité a accentué cette sensation. De plus en plus, sous l'oeil de gardes et d'hôtesses plus ou moins froids, vous devez vous dépouiller devant le portillon de même que l'acteur, pour investir son rôle, abandonne les effets de son personnage ordinaire. Aucun portillon ne permet de détecter chez lui les traces d'une présence qu'il devrait oublier. Mais, bientôt, on vous demandera, comme à lui, de mourir tout à fait avant de prendre la fille de l'air. Certaines compagnies exigent déjà que vous ôtiez les ceintures et les bottes, comme autant d'attributs militaires : c'est le cas, entre autres, d'Air France et d'Aeroflot. Ces deux sociétés organisent des vols dits combinés. Vous avez la divine surprise de ne jamais savoir de quelle culture sera l'équipage. Mais vous avez parfois le privilège de bénéficier d'un double inconvénient : la rentabilité capitaliste, portée à son plus haut point de cynisme via la coutume du «surbooking», et l'inertie postcommuniste, par la grâce insuffisante et métallique des agents plombés d
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