Vieillir peut être élégant, beaucoup préfèrent l’ignorer ; Jean Echenoz, non. Effleurant la soixantaine, il fane avec discrétion dans le leurre des pages et, avec Ravel (Minuit), dans le reflet d’un autre. Au moment où l’écrivain le visite, Maurice Ravel a 52 ans ; quand il le laisse, il en a 62. Entre les deux, il fait une tournée glorieuse en Amérique, compose le Boléro et les deux concertos pour piano, l’un pour la main gauche, l’autre pour les deux, connaît les premières caresses de la maladie de Pick. La première phrase du livre est un alexandrin : «On s’en veut quelquefois de sortir de son bain.» Mais qui en sort : le musicien, ou l’écrivain ? Apparemment, le premier. La suite ressemble d’ailleurs à un film en costumes très soigné. Les détails semblent extraits d’un musée. Ils fixent les scènes qu’ils étouffent. Rien ne manque à la panoplie du dandy de petite taille, de l’homme aux mille cravates pendues comme autant de langues muettes. Mais, assez vite, de petites incises, quelques fouettés d’une imperceptible familiarité, une manière de décrire le corps et le visage de Ravel, signalent ce que l’alexandrin suggérait : l’auteur, sous ce roman virtuel, murmure une confession. Il s’ébauche dans le fantôme précis qu’il décrit. C’est lui qui, sous Ravel en Amérique, fait une tournée à l’issue du prix Goncourt pour Je m’en vais (1999). C’est lui, sans doute, qui a les angoisses du musicien et toutes ses insomnies. Et c’est lui, probablemen
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