Une exposition placée d'entrée sous la protection de la partition originale de Don Giovanni, écrite de la main de Mozart dans la fièvre du printemps viennois 1787, ne peut être foncièrement ratée. Quand elle s'enrichit des plus belles pièces de Rousseau conservées dans les réserves de la BNF, tels l'original du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité, un exemplaire de De l'esprit d'Helvétius annoté par Jean-Jacques, un brouillon manuscrit de la Nouvelle Héloïse ou le manuscrit pattes de mouche de Rousseau juge de Jean-Jacques, on ne peut que s'incliner devant une réussite plutôt culottée. L'exposition «Lumières !» ne montre presque que des bouts de papier et des gravures d'époque (mis à part une galerie de peintures de 24 tableaux petits formats), mais elle l'assume avec un air de défi qui semble prendre le visiteur à témoin. «Qu'est-ce que les Lumières ?» se demanda Kant : des textes et des images, l'oeuvre des intellectuels européens du XVIIIe siècle.
Fiche de police. Des mots, des mots, des mots certes, mais l'exposition démontre avec force que ce sont ces manuscrits et ces livres qui ont changé le monde en autorisant et légitimant l'émancipation par rapport aux contraintes et croyances de la tradition. Le manuscrit de De l'esprit des lois, ou celui du Testament du curé Meslier, premier texte résolument athée, l'original de la Critique de la faculté de juger, de Kant, et même la fiche de police de Voltaire («C'est un aigle pour l'esprit et un fort mauvais s