En archéologues du patrimoine filmé, les responsables des Documents cinématographiques nous ont habitués aux découvertes les plus inattendues. Difficile ainsi d'imaginer le luthérien Carl Theodor Dreyer, associé dans l'imaginaire cinéphilique aux images métaphysiques de la lande scandinave dans Ordet ou Jour de colère, embarqué dans le tournage d'un mélodrame colonial au coeur de la Somalie italienne. Pourtant c'est bien le grand cinéaste danois qui, jusqu'à ce que la chaleur torride et les diktats des producteurs concernant le casting aient raison de sa patience, devait réaliser l'Esclave blanc (1934) avant d'être remplacé par le Français Jean-Paul Paulin. Le scénario de Dreyer, baptisé «L'homme ensablé» (que l'on peut découvrir en bonus dans une étrange adaptation animée, sur des dessins de Denis Scoupe), a été conservé dans ses grandes lignes, le dialogue étant purgé de ses lignes les plus progressistes (le personnage principal se demandant qui, «des nègres ou des blancs, est le plus sauvage»). Il reste toutefois cette étude du «danger d'ensablement», ce syndrome qui guetterait l'homme blanc en Afrique à cause du climat délétère, de la facilité de la vie, et de la supposée lascivité des femmes indigènes...
Paradisiaque et maléfique. Avec ou sans Dreyer, on est bien dans le cinéma colonial de grand-papa, dont la vision fantasmatique d'une Afrique à la fois paradisiaque et maléfique ferait sourire aujourd'hui si elle n'était sous-tendue par des stéréotypes pour le moins naus