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Libération
Critique

Maylis de Kerangal. Natures mortes

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publié le 7 avril 2006 à 20h51

Sud de l'Irlande, début du siècle dernier, un naufrage, les corps flottent, on offre une livre par cadavre. Finbarr a une barque et rêve de partir loin comme ses frères, quitter Sugàan, «trou du malheur». Il rencontre «une fille à rubans» de Cork, qui désire elle aussi participer à la macabre pêche miraculeuse. Certains cadavres valent plus que d'autres, pour celui de l'héritier Vanderbilt c'est mille livres. «Ni fleurs ni couronnes» pourrait se présenter comme une nouvelle sur fond de fait divers historique, il n'en est rien, peu nous chaut la véracité de l'histoire, on sent du reste sous la description des événements moins de naturalisme que de symbole. Maylis de Kerangal aime les tableaux. Saisissante que cette image de l'adolescent et de la jeune femme hissant un cadavre hors de la mer, ils le sortent de l'eau du Léthé, et oublient la morale. Dans «Sous les cendres», le récit qui suit, plus qu'une relation de voyage à Stromboli, une histoire de désir, une femme, qui s'immisce entre deux amis. Encore une fois, dans sa figuration, ce que l'auteur réussit le mieux c'est capter les palpitations des chairs : «Mais peu à peu, la lumière, leur souffle, leurs mouvements quoique imperceptibles ­ poignets, mains, doigts à peine remués pour secouer, détacher puis déposer la cendre, la nuque inclinée vers l'arrière pour plus de ciel, compression des narines quand elles inspirent ou inhalent la fumée de cigarette, courant d'air dans le larynx quand il expire ou exhale l'oxyde, battem