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Libération

Bon petit soldeur

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publié le 16 juin 2006 à 21h27

Ils ont mauvaise réputation. Pour un peu, ce seraient les voleurs de poules du métier. Les soldeurs. Ceux qui rachètent à bas prix et par palettes des stocks d'invendus. Comme dans la librairie traditionnelle, on en trouve qui ne vivent que de livres gadgets ­ concept vite démodé d'une saison ­, de livres mal fabriqués aux couleurs criardes et traductions approximatives. Et puis, certains sont là pour donner vie à des ouvrages perdus, dans un joyeux bazar qui mêle l'ivraie et le bon grain.

Mona Lisait fut au départ incarnée par un homme, un franc-tireur, René Baudouin, mort jeune, que de nombreux amateurs de livres (libraires, écrivains, éditeurs, clients) n'évoquent pas sans émotion. En marge, curieux, il accompagna très tôt nombre d'artistes et de micro-éditeurs, dressant des ponts entre des genres et personnes si différents ­ comme ce texte minuscule écrit par ses soins, titré Georges Perec qui dit : «Je pense à Armand Robin.»

Son esprit semble encore marquer les lieux de ces librairies, notamment celle de la rue Pavée, à Paris. Dans ce vaste espace qui hésite entre le hangar et le grenier, rez-de-chaussée pavé, poutres de bois, odeurs de poussière et de fantômes, entre des livres de cuisine échappés de rayons de grandes surfaces, un livre sur la pornographie danoise, vous trouverez une pile du livre de Pierre Mabille le Merveilleux (Pierre-Jean Oswald), une série d'ouvrages lettristes, plusieurs livres d'Annie Le Brun édités par Pauvert : les Châteaux de la subversion, Lâc