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Interview

Jean-Luc Godard: «Ce qu’ils aiment à Pompidou, c’est les morts»

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En 2006, visite avec le cinéaste de la non-exposition que lui consacrait le Centre Pompidou.
publié le 12 juillet 2006 à 21h57

Vers la fin de la visite de «Voyage(s) en utopie», l’elliptique brouillon de l’exposition originelle que le centre Beaubourg ne lui a finalement pas consacrée, Godard parle de cinéma en parlant du caméléon. On est face à un vieux film russe. Un paysan regarde un épi de blé, lentement, pour l’éternité. Il le regarde comme Godard aimerait sans doute regarder le cinéma : dernière séance, première moisson, première fois toujours, émerveillement ralenti, perdu et retrouvé de l’enfance.

C'est un mardi. Le centre est fermé. Le cinéaste a fait couper le son, d'ordinaire assez fort, si fort qu'il a dû négocier avec le médecin du travail et installer un rideau antibruit à l'entrée pour protéger les gardiens sur avis des médecins. Au début, le rideau était fait d'épaisses lattes grises. Maintenant, il est transparent. Comme dans ses films, le son est fait de paroles et de bruits très précis qui montent et se mélangent en une sorte de cacophonie intime.

«Je voulais une ambiance de bal musette, dit-il.

- Ou de brasserie ?

- Oui, un grand dispositif démocratique et convivial. Mon idée était : une semaine sans sons, une semaine sans images, une semaine de bal musette. Mais ça n'a pas été possible.

- Vous écoutez de la musique ?

- Quand j'en ai besoin ou quand ça me fait penser à des films. J'aime beaucoup Ornette Coleman. J'aime d'autant plus qu'à l'un de ses premiers concerts, on lui a dit : "C'était mieux avant."»

Aujourd'hui, il a fait couper le son afin que son assistant puisse le film