envoyée spéciale à Dunkerque
Memphis-Dunkerque : drôle de jumelage par l'entremise de William Eggleston, natif et résident de la ville d'Elvis Presley. Considéré par les historiens de la photographie comme le «père de la photo couleur», il a été invité l'automne dernier dans la ville du Nord à l'initiative du Laac (Lieu d'art et d'action contemporaine). Une résidence d'une semaine (Libération du 21 octobre 2005), à l'issue de laquelle une quarantaine d'images du photographe qui accepte rarement les commandes ont été sélectionnées pour être exposées aujourd'hui.
La cité à l'abandon des ingénieurs de BP, les foyers des aciéries d'Arcelor, des femmes sans visage sur la digue, des machines qui ressemblent à des tanks, les piles de containers dans le port, un hangar au panneau «Be queer»... on ne voit pas grand monde sur les photos d'Eggleston, mais des aplats de couleur qui vibrent, se répondent, et une lumière particulière, chaude, tendre, qui fait aimer la vie. C'est un vide qui n'attend rien, comme un hôtel illuminé et affichant «complet», sans qu'on n'aperçoive jamais de silhouettes aux fenêtres.
William Eggleston (né en 1939) déploie avec brio son savoir-faire de grand maître de la couleur et repousse au loin une autre réalité : la mer grise, le ciel pollué, les familles démunies inquiètes à l'idée de rater le «train de la plage», ou ce type avec son T-shirt orné de la question : «Loto, à qui le tour ?» Pas de documentaire social donc, et encore moins