Venise envoyé spécial
Dans le cadre d'un grand festival international de cinéma, le métier de critique rejoint souvent celui de géographe. L'accumulation progressive des films dessine et recompose en permanence une carte du monde physique, autant que sensorielle. A Venise, cette sédimentation des images a fait saillir ce week-end les reliefs d'une nouvelle génération américaine. Pourtant, c'est un mont granitique et ancien qui a dominé le paysage comme les esprits, une montagne colossale et bien de chez nous, le pic Alain Resnais. Honneur à la vieillesse, donc.
Vérité écrasante. Avec Coeurs, qui s'appelle Private Fears in Public Places dans sa version internationale (titre de la pièce de l'auteur anglais Alan Ayckbourn, que Resnais adapte une nouvelle fois après Smoking/No Smoking), le vieux lion Nouvelle Vague a offert à la Mostra un bouleversant chef-d'oeuvre. On y suit un sextet de personnages parisiens aussi bien installés dans leurs vies professionnelles que dans leurs solitudes étanches (Sabine Azéma, Pierre Arditi, Isabelle Carré, Laura Morante, André Dussollier, Lambert Wilson, tous au diapason). Ils fonctionnent par paire, mais pas toujours par couple. Patron et employée, père et fils, frère et soeur, mari et femme : le binôme est la structure unique du film, même si aucune de ces alliances n'est prémunie contre la dislocation.
Si le ton de Coeurs est souvent allègre, toujours fluide et soyeux, parfois même cocasse, son goût est définitivem