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Libération
Critique

«Quartett» à tête

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Bob Wilson met en scène Isabelle Huppert et Ariel García Valdés dans la pièce de Heiner Müller. Eblouissant.
publié le 30 septembre 2006 à 23h29

Deux anciens amants se retrouvent pour interpréter un jeu de rôles sadique ; ils échangent leurs personnages pour mieux s’envoyer des horreurs en face, et transforment leur joute verbale en champ de bataille où les corps et les désirs finissent à l’état de jouets cassés. Heiner Müller prétendait n’avoir à peu près pas lu les Liaisons dangereuses, dont s’inspire Quartett. De fait, on l’imagine mal décortiquant patiemment le texte de Laclos. Qu’il ait approché l’original de près ou de loin ne change pas grand-chose ; Quartett est un texte saisi par la fièvre, un chef-d’oeuvre en 22 pages qu’on pourrait comparer à un diamant noir : tranchant, obscur, éblouissant, inusable. Où l’on découvre toujours des éclats nouveaux.

Ainsi, sur la scène de l'Odéon, dans la bouche du Valmont qu'interprète Ariel García Valdés en habit rouge et maquillage de Méphisto de cinéma muet, cette phrase quelques minutes avant la fin : «Je suis une encyclopédie à l'agonie, chaque mot est un caillot de sang», dite en un balancement entre le calme et l'étonnement, dernière pulsation d'un coeur en train de se vider, et ultime révélation sur le «sens» de l'oeuvre.

Ouverte. C’est à l’illustration de cette «encyclopédie à l’agonie» que s’emploie Bob Wilson. Après une version en allemand et une autre en anglais, le metteur en scène américain revient pour la troisième fois en douze ans à l’oeuvre maîtresse de celui qui fut, selon ses termes, «l’un de [ses] meilleurs ami