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Libération

Belle de la ville

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publié le 6 octobre 2006 à 23h34

La Parisienne tient la rue et cette rue change. Elle se régénère par les silhouettes. Ces silhouettes se découpent dans un calque de goudron, d'épiceries et de pas qu'elles finissent par recomposer. La Parisienne a tenu Saint-Germain-des-Prés, les Champs-Elysées, la Bastille. Elle s'y promène encore, mais en souvenir : la forme d'une ville change moins vite que le corps d'une mortelle. La nouvelle colonne vertébrale de la Parisienne abat Vendôme par le Nord. Un soleil tropical et communard l'illumine. C'est la rue de Belleville : un cou long et souple, presque droit mais pas tout à fait, hautain et sensuel, d'une joie agressive et débauchée par un ourlet de crème pâtissière. La Parisienne de Belleville marque la rue d'une insouciance nerveuse. C'est le bijou fantaisie d'un univers où la pacotille fait flamber la chair d'une flamme puissante, immédiate, éternelle, vite éteinte. Elle est blanche, brune, arabe, asiatique, un peu tout à la fois. Si c'était un gâteau, ce serait un mille-feuille cuisiné par un pâtissier arabe, mais réussi. La Parisienne n'appartient pas aux beaux quartiers : elle y finit. Le luxe n'est pas son avenir, mais son passé. Sa taxidermie suit l'enrichissement de la ville. Elle ne vit vraiment que là où elle n'est pas encore saisie par ce qu'elle va devenir, par ce qui fera d'elle une asymptote de mouvements, de lignes et d'attitudes ­ une ellipse du désir. La Parisienne de Belleville se conjugue au futur, donc au présent. Elle n'est plus aussi mince que