Londres de notre correspondante
«Notre amour est impossible : vous habitez à Beverly Hills, et moi à Notting Hill», déclare Hugh Grant à Julia Roberts dans le film Coup de foudre à Notting Hill, sorti en 1999. «Ahhh...», se pâme le public américain, touché par le contraste entre ce bouquiniste, issu d'un quartier bohème et popu, et la millionnaire, habituée au glamour de Rodeo Drive. «Ah ! Ah ! Ah !» rigolent les Londoniens, qui savent bien que Notting Hill, loin d'être peuplé d'intellos fauchés, bien en mal de débourser plusieurs millions d'euros pour s'offrir l'une de ses maisons édouardiennes aux façades colorées, abrite au contraire pléthore de célébrités et de banquiers qui n'ont rien à envier à la Roberts. Certes, Notting Hill a longtemps été un endroit à éviter pour «les gens bien», notamment dans les années 50 et 60, quand le quartier décrit dans le roman Absolute Beginners en 1959 par l'auteur Colin Macinnes comme «un taudis massif grouillant de rats et d'ordures» évoquait les squats peuplés de pauvres émigrés de Trinité-et-Tobago et de Jamaïque, les gangs de mods racistes et les prostituées. Certes, il est vrai aussi que certaines parties du quartier demeurent extrêmement mal famées, comme les appels à témoins pour vols, viols ou meurtres qui ornent régulièrement ses rues en témoignent. Mais, quand le film est sorti, en 1999, le coin avait déjà en grande partie perdu ce côté louche qui l'a si longtemps caractérisé