Dans son nouvel essai, Georges Banu étudie un dispositif particulier aux textes et aux mises en scène de théâtre, auquel il donne une profondeur à la fois inquiétante et vertigineuse : la surveillance. C'est un classique de la coprésence sur une scène : un personnage, travesti ou dissimulé, en surveille un ou plusieurs autres, et investit dans cette épreuve une fonction de révélation de la vérité. Cela est cependant à triple bande, puisque le spectateur voit tout de ce jeu : ces dispositifs sont placés en abîme et le spectateur devient le surveillant du surveillant. Vertigineuse fonction de l'oeil et du savoir, exacerbée, dont il peut jouir et jubiler à l'aise, spectateur surinformé calé dans son fauteuil : plaisir pervers et suspect, pervers parce que suspect, de la surveillance. Il s'agit toujours, sur scène comme devant la scène, de voir sans être vu, afin de percer les secrets des âmes.
Big Brother. Pour Banu, c'est un dispositif révélateur. Du rapport du théâtre au pouvoir : mimer cette action suprême d'un dieu qui voit tout du theatrum mundi, ou d'un pouvoir profane surveillant les hommes, de Big Brother à l'oeil de Moscou, transformant la machine-monde en prison de transparence. Car si veiller est humain, sur-veiller bascule du côté de la déviance, dénoncée puis sanctionnée, outrepassant le droit et la raison mais donnant au pouvoir sa véritable raison d'être.
Le dispositif surveillant révèle aussi la vie de Georges Banu, fragment autobiographique : entre le thé