Autrichien, né en 1923, membre de l'agence Magnum, photographe pour Life, Erich Lessing se définit lui-même comme un «animal politique». En 1956, il travaille à une série de reportages dans les quatre principales républiques communistes d'Europe centrale (RDA, Tchécoslovaquie, Pologne et Hongrie). Quand éclate l'insurrection à Budapest...
Quelle était l'ambiance de l'autre côté du rideau de fer en 1956 ?
On sentait qu'à la suite du XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique, celui de la déstalinisation, l'édifice commençait à se lézarder. Agitation ouvrière à Poznan, émeutes à Berlin-Est. En Pologne, sous l'impulsion de Gomulka, le régime commençait à se libéraliser. En Hongrie, où je réalisais des reportages réguliers, les intellectuels se réunissaient au Cercle Petöfi, autour de philosophes communistes libéraux comme Lukács... On parlait beaucoup de réformes. La vie quotidienne était dure, mais l'espoir revenait, en même temps que grandissaient les influences sociales-démocrates au sein des partis communistes. On sentait que quelque chose allait se passer, que le système stalinien allait céder quelque part... Mais quoi ? Mais où ? Ça, on ne le savait pas.
Vous n'êtes pas en Hongrie quand la révolution éclate, le 23 octobre 1956...
J'étais en Pologne. Quand j'ai appris, le 24 au matin, que ça bougeait à Budapest, j'ai sauté dans un avion pour Vienne, puis j'ai poursuivi en voiture. La frontière était ouverte et j'ai