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Dans les pas du gringo qui embrasa Granada

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En 1856, l'Américain William Walker tenta un coup d'Etat pour faire du pays une nation blanche et esclavagiste. La rébellion qui s'ensuivit fut le ciment de l'identité nicaraguayennne.
publié le 10 novembre 2006 à 0h02

Granada (Nicaragua) envoyé spécial

«La ville brûlait toujours, écrit un chroniqueur nicaraguayen peu après ce 14 décembre 1856, quand les flibustiers, saouls, défilèrent en un rite impie [...] derrière un cercueil où ils avaient inscrit "Granada". Ils creusèrent un trou sur le centre de la place, y déposèrent le cercueil et érigèrent un grand panneau avec cette inscription : "Here was Granada".» Ici fut Granada, encore capitale du pays, à l'époque. Saccagée, rasée, détruite. Les «flibustiers» en question ne venaient pas des Caraïbes mais des Etats-Unis, à la suite de l'aventurier sudiste de Nashville, William Walker. Avec sa Phalange de moins de soixante mercenaires, l'homme a failli mener à bien son projet dingue : faire main basse à lui seul sur le Nicaragua ­ puis, si possible, sur toute l'Amérique centrale ­ dont il fut même, durant quelques semaines, le Président autoproclamé, le temps d'y rétablir provisoirement l'esclavage. William Walker affirmait que les Espagnols avaient jeté sur leurs anciennes colonies (le Nicaragua est indépendant en 1821) la malédiction d'une race métisse ­ grosso modo : inutile et flemmarde. Une fois éliminés les métis, il proposait pour l'Amérique centrale une «nouvelle organisation sociale», avec des «hommes blancs entrepreneurs» (nord-américains) qui dirigeraient des Noirs, esclaves «fidèles et dociles» : une annexe, en somme, des Etats-Unis, en tout cas des Etats du Sud. La réaction à l'invasion «flibustiè