«Il est pour moi tout à fait inhabituel de ne pas rencontrer le photographe dont l'image fera l'objet d'une transformation de ma part», avertit le graphiste Michel Bouvet, qui a eu à intervenir sur une photo saisie à la frontière chinoise par Ian Teh (Grande-Bretagne). Il énonce ainsi l'étrange règle du jeu, posée dans le cadre du Mois de la photo, par les galeries Anatome et VU' (qui fête ses 20 ans). La première a sélectionné 80 photographes, la seconde 80 graphistes. A ces derniers ont été imposées quelques images d'un photographe, après un tirage au sort, devant déboucher sur une affiche. 160 créateurs internationaux, de toutes générations, ont accepté d'entrechoquer leurs deux métiers pour faire éclore l'exposition «80 + 80 photo_graphisme». Ces «regards croisés» sont scénographiés par David Juilliard et Julien Defait comme deux lectures : en partant de la photo inspiratrice, ou directement de l'affiche.
«Tétanisés». Sans commande, sans connaître l'auteur, comment le graphiste, même s'il a l'habitude de travailler image et typographie, s'approprie-t-il une vision qui souvent se suffit à elle-même ? Il est encore plus difficile pour un photographe de voir sa photo déstructurée, manipulée, enjolivée de fleurettes, traversée de slogans, servir un autre sens ou d'autres fantasmes. «Au départ, les graphistes étaient tétanisés devant l'image, expliquent en choeur Marie-Anne Couvreu, d'Anatome, et Christian Caujolle, de VU'. Ce qui nous intéressait, c'é