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Libération

Rock et peuple

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publié le 17 novembre 2006 à 0h07

Le rock, c'est quand les souvenirs sont devant soi. Vent arrière et soleil de face, le corps court et l'ombre meurt, dans le dos, nageoire vaine, comme la descente du lit dans lequel on ne dort plus. Ce ne sont pas des souvenirs qu'on a : ce sont des avenirs. S'avenir est le verbe pronominal du rock. Il a le mérite de ne pas exister. Tu t'aviens de tes vingt ans ? Mais oui, puisque je les aurai. Et je ne laisserai personne dire que ce n'est pas le plus bel âge de la vie. Pour comprendre ça, ces cordes électriques qui se font nerfs, on peut lire l'enquête publiée par Christophe Quillien : Génération Rock & Folk, 40 ans de culture rock (1). C'est un précis de désorganisation dont la forme, un bordel à la délicatesse soignée, épouse son sujet : la naissance et l'avènement de la critique française appliquée au rock, à travers l'histoire de son plus stylé magazine. Rock & Folk est né en 1966. Ceux qui l'ont créé, Philippe Koechlin avant tous, avaient d'abord pour passion le jazz et le blues. Peu à peu, des personnalités se sont agglomérées. Une centaine de témoignages semés en vignettes parmi les extraits d'articles font revivre l'aventure par le détail. Philippe Manoeuvre, qui a préfacé l'ouvrage et dirige encore le magazine, est milieu de terrain. Comme tous les grands journaux, Rock & Folk a inventé ses personnages : le rock critique, mais aussi son lecteur. Le jeune Manoeuvre, croupissant d'énergie ennuyée à Châlons, était l'un d'eux : une joy