Menu
Libération

Facho Marx

Article réservé aux abonnés
publié le 15 décembre 2006 à 0h30

Ils sont partis ensemble, comme un couple de vieilles perruches : l'économiste Milton Friedman est mort vingt-quatre jours avant le général Pinochet. Les recettes du premier étaient de réduire les frais et le train de mort de l'Etat ­ en le limitant à ses fonctions primaires : police, armée, justice. Elles se répandent maintenant dans les pays dits démocratiques. Qu'elles aient d'abord trouvé couvert dans une dictature, au Chili, après un coup d'Etat, n'est pas anodin : la manie libérale fut expérimentée dans des pays où les libertés avaient disparu. Trente ans après, les riches étaient au Chili plus riches, les pauvres, plus pauvres, l'ambiance, plus triste et plus âpre au gain, mais le pays, comme ils disent, avait retrouvé «la croissance». En 1993, l'un des petits messagers friedmaniens en France, Guy Sorman, rencontre le général Pinochet pour le Figaro Magazine. Charlie Hebdo publie cette semaine quelques extraits de l'article qu'à l'époque il en tira. Sorman prend thé et toasts avec la mortelle ganache. Qui lui dit : «Les communistes ont changé de tactique ; ils n'ont pas réussi à prendre le pouvoir politique, mais ils n'ont pas renoncé à s'emparer du pouvoir intellectuel. Nous n'avons pas encore trouvé la bonne stratégie pour leur répliquer.» Comme pour lui répondre, l'écrivain chilien Roberto Bolaño publie en 2000 un roman drôle et désespéré, Nocturne du Chili (Christian Bourgois), qui rappelle certaines peintures noires de Goya. Après la c