Un regard au couteau, des mâchoires serrées, une voix forte à la Pierre Brasseur : Pierre Delanoë dégageait comme un acteur. Ou un chef d’entreprise. La froideur, la rigueur, la raideur, semblaient le définir. C’était un volcan qui intériorisait, un provocateur qui, les derniers temps, était devenu la caricature du battant qu’il avait été. Durant trente ans, disons des années 50 jusqu’aux années 80, ce fils d’imprimeur et d’une professeure de coupe, né le 16 décembre 1918 à Paris, rue du Faubourg-du-Temple, sous le nom de Pierre Charles Marcel Napoléon Leroyer, domina le monde des variétés.
Mémoire collective. Fauve, dompteur, séducteur, gaulliste déclaré (l'hommage Tu le regretteras pour Gilbert Bécaud en 1965 ou le France en 1975avec Michel Sardou),il faisait plier en deux temps trois mouvements les refrains sous une écriture sans jointures, fluide, à l'os. Depuis son premier succès avec Gilbert Bécaud (Mes mains, 1953 : «Mes mains/ Dessinent dans le soir/ La forme d'un espoir/ Qui ressemble à ton corps/ Mes mains/ Quand elles tremblent de fièvre/ C'est de nos amours brèves») jusqu'à l'arrivée de la vague d'auteurs-compositeurs-interprètes incarnée par Souchon, Yves Simon ou William Sheller au milieu des années 70, cet ex-inspecteur des impôts a réussi l'exploit de se livrer à peine en imprimant la mémoire collective de milliers de chansons (5 000, parmi lesquelles ce premier essai, Y'a un pli au tapis du salon, en 1948). Parfois, les ayan