A Cicéron voulant devenir consul, son frère Quintus écrit en 64 avant J.-C. un Petit Manuel de campagne électorale aujourd'hui republié (1). Il y est question d'éloquence, de manipulation, d'intimidation, de séduire l'opinion publique. La prétendue «démocratie d'opinion» n'est pas une nouveauté ; l'expression n'exprime à peu près rien, sinon le sentiment de perte de pouvoir et d'influence de ceux qui l'emploient : l'opinion, c'est toujours celle des autres. Le regret qu'on éprouve à ne plus la déterminer est sans doute égoïste, un réflexe d'expert ou de journaliste dépossédé ; il n'est pas forcément injustifié : l'opinion des autres, c'est rarement intéressant ; mais, quand on fait de la politique, il faut faire comme si ça l'était. Quintus conseille à son frère une «maison pleine jusque tard dans la nuit d'une foule de citoyens de toutes origines, tous satisfaits par tes propos et nombre d'entre eux par les services que tu rends effectivement ; et ton travail, ton habileté et tes soins scrupuleux pour que ta renommée ne parvienne pas au peuple par l'intermédiaire de tes partisans, mais que le peuple se mette de lui-même à partager avec eux ce sentiment de sympathie». Le second point est essentiel en politique, surtout quand l'image de celle-ci est détestable. Il a été compris par Ségolène Royal comme il l'avait été, depuis longtemps, par Jacques Chirac. Laurent Fabius, entre autres, est l'exemple du contraire : sa renommée n'est jamais parvenue au peuple que p
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