L'année 1890, où il publie Hedda Gabler tout en émergeant d'une attaque d'apoplexie, Henrik Ibsen note dans son carnet : «La vie n'est pas triste. La vie est ridicule. Et ça, c'est insupportable.» Séjournant en Allemagne et en Italie, avec l'impression de n'avoir désormais plus peur de rien, il se rappelle combien il a pu, «indescriptiblement», s'ennuyer dans son propre pays, «là-haut» (en Norvège) : d'«un ennui qui diluait l'esprit, rongeait la volonté, détruisait le talent».
C'est au plein milieu de cette monotonie septentrionale et si bourgeoisement rangée qu'il a donc propulsé la plus énigmatique et givrée de ses héroïnes : Hedda, née Gabler, tout juste épousée par le dénommé Jørgen Tesman, besogneux professeur (spécialiste de l'économie domestique dans le Brabant médiéval). Non encore titulaire d'un poste, Tesman s'est toutefois endetté pour acquérir, aménager la luxueuse villa convoitée par sa jeune femme.
Sofa. Déçue par leur longuet voyage de noces (et/ou d'études), Hedda entrant dans ses nouveaux meubles savoure quand même un peu, oui le moelleux de son géant canapé neuf. Jamais avare de didascalies, Ibsen parlait ici d'un grand salon, agencé avec goût, épais tapis au sol, suspension en verre dépoli au-dessus de la table, bibelots en majolique, et le soleil pénétrant par les portes vitrées, etc. Sans oublier les bouquets de fleurs.
Eh bien, chez Thomas Ostermeier, ils sont là, les bouquets, insolitement présents : de hauts glaïe