(envoyée spéciale à Rotterdam)
«Faire des films, c'est bien plus amusant que de les regarder, le résultat m'importe peu», s'esclaffe Tony Conrad, 67 ans, pionnier de la musique minimaliste et artiste vidéo d'avant-garde, en s'essuyant les mains sur son tablier. Ce soir, il a troqué son violon contre une arme autrement plus dangereuse, une bobine Tesla de 250 000 volts, pour rééditer une performance de 1974 : l'électrocution en direct d'un film.
Dans la salle transformée en chambre noire, devant une audience magnétisée, il glisse une électrode le long d'un bout de film de 16 mm qu'il a préalablement enduit de gel conducteur mélangé à des particules de métal, et fixé à la bobine, provoquant un jaillissement de petits éclairs. Le film est ensuite développé et projeté, une boucle d'«expressionnisme abstrait», comme la qualifie avec humour ce vétéran de la scène expérimentale. Un beau moment d'«expanded cinema».
«Ce mouvement apparu dans les années 60-70, qui déconstruit la machinerie du cinéma et crée une expérience en direct avec un public, plutôt que de projeter des films tout faits, est en train d'être redécouvert», se réjouit Edwin Carels, programmateur d'Exploding Cinema, laboratoire du Festival international du film de Rotterdam (IFFR) qui explore depuis 1994 les mutations de la culture audiovisuelle à travers des expositions, projections et performances.
Question existentielle. Ces moments uniques, partagés avec le public, pourraient être un début