Comme les feuilles mortes, les quotidiens gratuits se multiplient, recouvrant les trottoirs des villes bien avant la nuit. Quand il pleut, il arrive qu'on glisse dessus. Il n'est pas certain que ça porte chance; l'actualité semble en être une pour ceux qui en vivent à n'importe quel prix ou absence de prix. Un journal payant se jetait rarement. Parfois, on l'abandonnait sur une banquette. Avec les «gratuits», cette présence froissée, naguère exceptionnelle, devient la règle. Gratuit, le papier journal tapisse d'oubli les métros et les rues. Il rejoint les petits prospectus, les publicités pour mages et les menus indiens que distribuent les jeunes, les Africains et les Pakistanais. On glisse sur une information, une histoire, comme on passe devant un restaurant où l'on ne mangera pas. L'homme d'affaires Vincent Bolloré lance cette semaine son «gratuit», Matin Plus. Comme on sait, le Monde et son harnais tire l'équipage : le digne et vieux canasson de l'écurie informative paraît traîner vers l'abattoir l'équarrisseur qui finira par l'exécuter. Peut-être... évitons les procès en dépression. Dans l'édition de mardi, vers la fin du journal, la personnalité du jour, née un 6 février, est la journaliste Florence Aubenas. On rappelle qu'elle fut enlevée en Irak un 5 janvier. Sa photo domine la page livrée à l'horoscope. Doit-on appeler ces journaux : «gratuits» ? La gratuité est une belle idée. L'acte gratuit explose sans lendemain. Il se justifie (ou non) par lui-mê
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