Navarre envoyé spécial
«Baraibarkoostatua». Traduction du basque : le bar de Baraibar, une de ces bourgades où l'espagnol est presque langue étrangère et où l'euskara est l'idiome familier. On est en pleine sierra de Aralar, à l'extrême ouest de la Navarre. Depuis les hauteurs couvertes de pâturages vert foncé, au-dessus de forêts de hêtres et de chênes, le regard plonge sur Guipúzcoa et sa capitale Saint-Sébastien c'est l'Euskadi, le Pays basque espagnol. Mais ici, on ne reconnaît pas ces frontières administratives. On est en terre basque, c'est-à-dire en Euskal herria, dès lors que les habitants en parlent la langue.
La pratique de l'euskara, telle est la frontière sentimentale de ce peuple. C'est du moins le sentiment d'Idoia et d'Arantxa, qui tiennent le «Baraibarko ostatua». Deux femmes du pays à la trentaine avancée, le cheveu noir de geais, dont la voix grave entonne l'euskara de façon mélodieuse, et dont le bar donne vie à ce petit village de pierre et de silence. En entrant, un jeune à boucle d'oreille donne du gabon («bonsoir») avec un timbre de stentor. Un vieil agriculteur, juché sur son tracteur, apporte des fleurs aux deux patronnes. Dehors, souffle le vent froid, avec plus de force à mesure qu'on s'approche de l'ermitage de San Miguel, théâtre d'une légende basque enracinée. Vers 707, Don Teodosio, fils d'un seigneur, doit porter sa croix vers ce mont, après avoir tué ses parents par erreur. Confronté à un dragon crachant du feu, il est sauvé par