Passer du temps dans la bulle de la fashion week ne permet pas que de voir de jolies robes portées par de jolies filles. Au coeur de cette étrange caravane où le port de lunettes noires en plein jour est la norme, il arrive aussi qu'on soit témoin de scènes curieuses, d'étranges microfictions comme seul le monde de la mode est capable d'en produire. Dans les salons dégoulinant de dorures d'un hôtel parisien, on vit par exemple au défilé de Gaspard Yurkievich un homme d'affaires russe tendre à l'un de ses assistants un appareil photo numérique puis lui ordonner dans un sabir anglo-saxon de le mitrailler pendant le show. Le défilé commença. Alors que des filles de 1,80 mètre portant des nano-shorts rehaussés de plumes d'autruche passaient devant lui, l'homme au costume sévère prenait la pose et son air le plus sérieux pour jouer au VIP. Pas une seconde le ridicule ne semblait pouvoir l'atteindre.
Quelques jours plus tard, le défilé Chanel. On remarqua, en entrant, que le sol du Grand Palais était recouvert d'une minibanquise et que, sous l'énorme voûte métallique, planaient quelques cumulo-nimbus. Jusqu'ici, tout est normal, se disait l'assemblée, habituée au sens du spectacle de Karl Lagerfeld. Pour compléter cette ambiance polaire, des rampes de projecteurs délivraient une lumière plus blanche que blanche et on frôlait le décollement de la rétine au coeur de ce Gstaad reconstitué et surchauffé. La bande-son (Vicious de Lou Reed) sonnait à ce moment précis extrêm