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Libération
Critique

«Léonce et Léna» malgré tout

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publié le 24 mars 2007 à 6h48

On sent depuis toujours chez Jean-Baptiste Sastre, metteur en scène élevé sous les ors du Conservatoire d'art dramatique, le besoin toujours plus pressant de dynamiter le théâtre de l'intérieur. Le décor de Léonce et Léna en fait les frais, qui n'est plus qu'amoncellement de papier kraft froissé, tentures scotchées à la va-vite et chaise de camping en guise de trône. Après tout, cette mauvaise humeur-là sied bien au désoeuvrement général de la pièce.

Büchner, répondant à un concours d'écriture, campe un jeune prince dégoûté d'ennui qui, pour fuir un mariage forcé avec la «sérénissime princesse Léna de Pipi», s'en va sur les routes, mi-divagant mi-philosophant, en compagnie du sagace Valerio, vagabond reconverti en sage fou du roi. Léna, qui n'est pas davantage décidée à épouser un parti imposé, prend également la fuite. Le hasard les réunira pour un heureux dénouement.

Il y a du Hamlet chez ce Léonce dépressif, proche de la folie. Mais on peut y lire aussi les traits du jeune Büchner qui, étudiant et mêlé de près à des projets de révolution, a dû gagner Strasbourg en 1835 pour se soustraire à la justice. Le climat despotique qui règne alors outre-Rhin et la division entre les cinquante micro-Etats germaniques sont perceptibles tout du long de la pièce, qui prend le parti d'en rire.

Si on a l'impression que le texte diffère parfois franchement de la pièce, c'est que Sastre s'appuie sur une traduction nouvelle de Bruno Bayen, pour laquelle celui-ci est allé recherch