«Il existe un design à l'état gazeux !» Alors que cette semaine se déroule le Salon du meuble de Milan, la phrase qui se réfère au philosophe Yves Michaud quand celui-ci évoquait l'art planera souvent sur cette foire, si inventive, mais si «gazeuse». La sentence est extraite de l'ouvrage Prodesign de Jacques Bosser (1). Dans un livre hybride, il se place avant tout comme un consommateur de design qui «réagit». Et part d'emblée en guerre contre «cette monstrueuse auberge espagnole qui s'est laissé séduire par la mode et le spectacle», dont l'ennemi caché serait «le marketing». Surtout, il s'élève contre le mauvais traitement que subit grammaticalement ce mot, réduit à l'état d'adjectif. Tout objet contemporain devient «très design», tel un style qui exprimerait une «vague modernité d'aspect». Le tout accrédité par les médias qui le traitent comme «une activité pleine de charme».
Comment répéter que le mot «design» est un substantif ? Tout auteur de livre sur le sujet se voit systématiquement obligé de le redéfinir, il y a donc un problème. On ne redéfinit pas ce qu'est le cinéma, et il ne viendrait à l'esprit de personne de dire qu'un bâtiment est «très architecture». Jacques Bosser cite par exemple le dictionnaire anglais Harrap's :«Design : dessin, intention, projet, conception.» Il reprend surtout à son compte l'Américain Herbert A. Simon, prix Nobel d'économie en 1978 : «La conception est u