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Libération
Critique

Les biens du Mal

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A Paris, une exposition retrace en photos la spoliation faite aux Juifs d'objets du quotidien. Sur les lieux même où ils étaient triés.
publié le 10 mai 2007 à 7h41

Au rez-de-chaussée de l'agence de publicité Euro RSCG, et ce n'est pas le moindre des chocs, nous sommes sur les lieux mêmes. En l'espèce au 85/87, rue du Faubourg-Saint-Martin dans le Xe arrondissement de Paris. Ce fut un magasin de meubles de la marque Lévitan qui, durant l'été 1943, suite à «l'aryanisation» (son propriétaire Wolf Lévitan étant juif), fut réquisitionné pour servir d'entrepôt à une partie des pillages organisés à Paris par les nazis. Au Louvre et au Jeu de paume étaient stockées les oeuvres d'art volés chez les grands collectionneurs. Dans un hôtel particulier de la rue Bassano (XVIe arrondissement), les antiquités et les bibelots précieux. Mais au Faubourg-Saint-Martin, quelle douleur, le sinistre butin de la vie mode d'emploi : aucun tableau de Poussin, ni commode signée Boulle mais le tout venant des objets domestiques : batteries de cuisine, literies, rideaux, vaisselles, postes de radio, luminaires, ampoules électriques.

Crève-coeur. Pour assurer le tri, la réparation ou le stockage, ce sont 120 internés (surtout des femmes) du camp de Drancy qui sont transférés en juillet 1943 (ils seront jusqu'à 402) pour travailler dans ce que les nazis ont baptisé le Lager-Ost (le «camp est»). Odette Dassonville, une détenue survivante, s'en souvient et son témoignage est affiché sur un des murs : «Tout, absolument tout ! Par moments on se demandait s'ils n'avaient pas arraché les papiers des murs.» Jusqu'à ce qu'elle finisse par trier des effets appa