C'est en s'arrêtant sur une affiche, proposée en 1981 à IBM et refusée par cette entreprise, que l'on peut saisir l'essence du travail de l'Américain Paul Rand (1914-1996). Un fond noir, un oeil (Eye), une abeille (Bee) et un M bleu zébré. De la narration, des associations visuelles et sémantiques, des couleurs bien posées, très volontaires, de l'humour aussi, mais très maîtrisé. Et un signe particulier, la rayure, qui est l'élément identitaire du logo IBM bleu/blanc créé en 1957 et décliné pendant des années.
Mais une affiche n'y suffit pas, pas plus qu'une couverture de livre ou un logo. La saga graphique de cet autodidacte né au sein d'une famille juive à Brooklyn, élevé aux comics dans l'épicerie de son père, qui couvre six décennies du graphisme, passe par tant de projets de natures diversifiées, d'ouvrages aussi comme la «bible» Thoughts on Design qu'il écrit à l'âge de 32 ans. Il a formé des générations de graphistes à Yale University, où il a enseigné.
Pas de contradiction chez cet homme qui comprend le monde de l'entreprise très jeune. Très connu pour la communication globale qu'il a menée pour IBM ou Westinghouse, il ne manque pas de fantaisie ni de poésie, et comprend vite qu'il faut enrichir l'art publicitaire d'un apport artistique. Car s'il fait d'abord ses classes en modeste dans des agences de pub, il devient vite critique des codes publicitaires américains de l'époque quand, en autodidacte libre et instinctif, il découvre les